Retour à Prades

Publié le par Terre de voyage

 

Prades-Falaise-17.jpg


Encore une fois, je me suis assise dans la barque du risque. Je crains et je m’acharne. Je vis dans les fracas et les secousses, redoutant les déflagrations de ma témérité. Le temps est venteux. J’ai revêtu ma robe d’écriture aux aspérités de croquis. J’ai boutonné toutes ses poches sur les tragédies qui l’encombrent. Je fais place nette pour vivre ce passage. Car il s’agit bien de cela : permettre l’irruption sur le grain de la page, la tombée du maillet de toutes les inexactitudes auxquelles je me rattache.
 
Prades me retient encore. Finirons-nous par admettre le dénuement ?

AP

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Aujourd'hui il ne pleut pas, il va neiger. Mais pour l'heure, le soleil brille. Les solides murs de pierre n'ont pas bougé ; mon préféré - celui qui est en face du cimetière - est à l'ombre, inchangé. La voie ferrée domine toujours de quelques mètres la route et le village. Les rues sont vides, je me reconnais.
Mais par centaines, par milliers, les perce-neige montrent le bout de leur nez, le temps passe et on va vers l'été ! En été, toute trace de notre passage en Haut-Allier sera effacée à tout jamais... Quoique ! Dans les soutes de la bibliothèque de Clermont-Fd, sur les rayonnages réservés qu dépôt légal, seront stockés deux exemplaires d'un Carnet de voyage de Prades à Langeac. Dans quelques années, si les petites souris ne les ont pas mangés, ils seront catalogués et mis à disposition du public. J'irai alors les regarder. Je verserai quelques larmes nostalgiques sur une page illustrée, plus sûrement encore sur la liste des auteurs. J'entends déjà hurler la sirène de l'hygromètre électronique qui détectera l'augmentation anormale du taux d'humidité. De puissants ventilateurs sècheront mes larmes. Il me restera à payer 50€  d'amende.
Ah ! Dans quelle galère me suis-je laissée entraîner...

Aline

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La photographie à Prades
 
Nos petites virées, pour une quête d'images photographiques, se font dans le vent
froid de ce mois de novembre.
Mais j'aime le vent, il me dynamise
Au fur et à mesure que la journée avance, remontent dans ma mémoire d'anciens savoirs que j'avais complètement oubliés. Ils ressurgissent tels des geysers; on dirait qu'ils m'apportent une énergie nouvelle.
Désapprendre pour pouvoir réapprendre….
 
Je pars, avide d'images, à la conquête du village.
La beauté des rochers qui le surplombent vient de leur fusion dévorante avec la nature. Leur émergence est brutale, sauvage et imposante au dessus des maisons.
 
La pierre, très poreuse, se teinte de rouge, de vert, de jaune et même de bleu.
 
L'atmosphère a quelque chose de désespérant. Ceci est sans doute dû aux volets clos des maisons inhabitées.

Christiane

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Récit de voyage
 
Départ d'une folle équipée à plusieurs en vue de réaliser un carnet de voyage, mon premier carnet de voyage !
       Angoisse de l'inconnu.
 
Arrivée dans la nuit à Prades après trois jours passés à la biennale du carnet de voyage à Clermont-Ferrand.
3 jours submergée par les images, les dessins, les couleurs, une impression de foule et de perte, envie de prendre ses jambes à son cou…
              mais aussi quelques petites portes ouvertes sur cet inconnu qui me fait tant peur face à mes incompétences.
       des dessins, de l'aquarelle et même un atelier d'écriture
              conception mais pas réalisation d'un mini carnet de voyage
 
tout cela m'étonne et, même, m'enchante

              je me découvre un peu, mais je suis terriblement terre à terre, empêtrée dans mon moi   comment me laisser aller, entrouvrir la porte de la fantaisie qui est en moi, cachée, inaccessible…

Christiane

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PRADES / RENCONTRE AU PAYS DES PORTES
 
L’ascension se fait lente. La 2cv grimpe tranquillement la vallée escarpée.
A l’horizon, une loupiotte. Il se fait tard.
Les autres sont déjà attablés au centre Ucpa.
De loin, derrière les carreaux trône la lumière orangée ; une crèche, un abri. Dehors, il glace. Entrons, laissons Prades s’endormir derrière ses volets fermés.
Demain le jour va se lever.
Lendemain : Prades s’éveille, à peine quelques persiennes s’entrouvrent.
Des maisons d’été ? Sans nul doute.
Sur le pont, un habitant revient son pain sous le bras. Il pleut. Il ne semble pas s’en inquiéter. Regard étonné à mon égard. Derrière moi , deux petits bonnets, un rouge, un bleu trottinent à côté de maman. Ca y est, ils ont disparu, se sont engouffrés dans la voiture, là-bas à droite du pont. De nouveau , le calme.
Si seulement la pluie s’arrêtait. Néanmoins , je continue ma déambulation.
J’emprunte ruelle après ruelle, attentive à toutes ces portes. Certaines sont datées, d’autres colorées. Toutes fermées sur un ailleurs plus hospitalier.
J’ai presqu’envie de les compter ; pour certaines, il me faut prendre un escalier.
Quand le volet est fermé, je frôle le seuil pour regarder.
M’apparaîssent alors le chardon bleu, le fer à cheval, le fer à cheval , promesse de
Bonheur.
Clairement, quelque fois le mot "bienvenue" accueillant.
Tristounet ! non peut être pas ?
Est-ce seulement moi grises comme les pierres croisées, celle des murets , celle de la lave levée telle une sentinelle, derrière le grand pont qui au fond barre la vallée ?
J’ai envie de zoomer en m’approchant.
M’attire alors une fenêtre au carreau cassé
J’y reviendrais.
Au second passage, le propriétaire vient m’accoster. Elle a quoi ma grange
que vous la photographiez ? je n’ai pas de mots pour répondre. Ils me restent dans le gosier.
Comment lui dire que je suis intriguée par ce carreau cassé en plein cœur et que j’ai envie de le photographier.
En résonance pour moi sans signification pour lui.
Alors à quoi bon m’expliquer ?
Haussement d’épaule. Il passe son chemin moi aussi. Deux mondes séparés.
 
Ne rien regretter. C’était une tentative de rencontre.
Pradois Pradais au fait comment dit-on ? j’aurais du me renseigner.
Le pont enjambe la rivière.  Ici elle n’est pas gelée.
A son bord, un vaste pré.
Ah oui je me souviens l’origine du nom : Large et vaste. J’aimerais le voir ce pré en été. J’ai du mal à l’imaginer, autre théâtre, à l’autre saison, celui des estivales, bondé sans nulle doute. Le soleil en plus, ça doit réchauffer.
 
La pluie cesse un instant, la nappe de brouillard au fond de la vallée donne envie de dessiner .
Est-ce utile ? Non. Seulement garder en soi l’image gravée sinon je vais la déflorer.
Prades. Sortie de village.
 
 
Autre lieu, autre temps.
Langeac bourgade
Peu inspirée.
La gare, le cœur.
La voie ferrée…
Choisir Langogne choisir Brioude ???
La gare imposante, imposée.
Cœur du trafic, des arrivées, des départs.
Autour comme une peau d’âne tous les passés,
Celui des dentellières, des couvents, des paravents, des vitrines.
Visites uniquement l’après-midi et sur rendez-vous.
Les saumons smolthés ont déserté l’ile d’amour.
Des boulistes, à pas lents comptent leurs points, vélos accoudés à l’arbre centenaire.
A l’office du tourisme, se distribuent les possibilités d’activité pour l’étranger.
Le fromager m’invite " j’entre, je goûte, j’achète. Ne brûlez pas les étapes. "   Sur le trottoir, il vient me chercher.
Pour éviter le reflet, je vais vous fermer le store.
Enfin un contact vrai !!!
Dos tourné, appareil photo en bandoulière, sourire aux lèvres, je m’en vais.
Il est à peine 15 heures.
Langeac – Montpellier va démarrer.

Françoise

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L’Allier a entraîné
Le smolté
Dans le gravier
A percuté
La barre rocheuse barrage
Bas-rage
Bas-rage
Rage le smolté
Dans le gravier
Figé le rocher
Plus respiré
Allier smolté

Françoise

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Sur le pont
On dirait trois hirondelles
Qui attendent le printemps
Vont-elles faire comme toi
Filer à tire d’aile ?

Françoise

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Le chat qui descend
L’escalier
Vers la rivière argentée.

Françoise

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Les mots qui t’ont fait basculer
Les mots qui tranchent
Qui dérangent
Les mots t’ont fait basculer
Au-delà du pont de PRADES.

Françoise

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S’écarter du ruisseau
Pour entendre l’oiseau s’égosiller
Trop de bruit l’Allier
Tu me saoules.
Je veux entendre le vol de l’oiseau
A regarder le fil de l’eau
Je vois se faufiler l’ombre noire
Se cogner au blanc du tumulte
A trop regarder le fil d’eau
Rejoindre le manteau noir
Qui se cogne à l’écume blanche en colère
L’écrit, l’écrit, l’écrit
Qui déchire le ventre de l’eau
Qui bouillonne jusque dans les tempes
Le cadran solaire de Langeac
S’est échappé de mon cahier
Tombé à terre, déchiré
Ramassé, rejoint le cahier
A trop regarder le fil de l’eau
Rejoindre la pierre noire
Au fond de l’eau
Rester rocher sans respirer
Sans s’effilocher
Le soleil argenté sur fil d’eau
M’apaise
A regarder l’eau
J’y invente ton visage–reflet.

Françoise

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Prades, départ.

Confluence des rivières ;

Allier, Seuge et les autres sans nom.

L’eau est partout, elle accueille, elle susurre, s’étale sur les gravières, lèche le pied des murs, bouillonne en torrents impétueux, se rejoint, s’enrichit et s’éloigne élargie sous le regard oblique et noir des orgues basaltiques.

 

 

Sainte Marie des Chazes, paisible chapelle oubliée dans son écrin de vallée brumeuse.

Champs en terrasses abandonnés, combien de mains, combien de corps ont souffert sur ces murs, liés à la terre courbés en deux, avant de se laisser emporter vers les villes oublieuses.

Combien de mariages célébrés sous ces pierres noires et roses, de baptêmes, de vies interrompues trop tôt ?

Nous chantons et dessinons sous les voûtes, groupe touriste intrus, incongru.

 

 

Le groupe est parfois pesant.

Besoin d’air, de lumière, Prades est grise

 

 

Pigeonnier inaccessible, ruelles oubliées, portes condamnées.

 

 

Frissonnement des monnaies du pape, sifflement du vent, chant de l’eau, bruissement du groupe.

 

 

L’école de briques rouges surplombe le village, la cloche abandonnée ne sonne plus, la récréation est silencieuse. Petites filles en blouse, garçons en sabots, où êtes-vous ?

 

 Liliane

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